La croissance est portée par les reformes d’envergure convenues avec le FMI
La croissance restera élevée durant l’exercice budgétaire 2025/2026 (du 8 juillet 2025 au 7 juillet 2026), grâce à la mise en œuvre d’importantes réformes convenues en juillet 2024 avec le FMI, en contrepartie d’un programme d’aide de USD 3,4 milliards. Celles-ci comprennent le rétablissement de la viabilité de la dette, la libéralisation du taux de change, la création d’une bourse de valeurs mobilières et l’ouverture progressive de l’économie aux investisseurs privés. Ces mesures stimulent les exportations et dynamisent l’investissement local et étranger, dans le cadre de la phase 2 du Homegrown Economic Reform Programme (2023/24–25/26). Le secteur bancaire tire profit de la Banking Business Proclamation de mars 2025, qui autorise, pour la première fois, une participation étrangère pouvant atteindre 49% du capital des établissements éthiopiens.
Les performances du secteur agricole, pilier de l’économie (35% du PIB et 70% de l’emploi), devrait bénéficier de meilleures récoltes grâce au développement des systèmes d’irrigation et de la mécanisation. La production de café (1er produit d’exportation) profitera d’une progression de 4% des superficies récoltées grâce à la mise en production de nouvelles plantations et au rajeunissement des anciennes. Toutefois, le secteur restera dépendant d’importations de fertilisants souvent insuffisantes, en attendant la construction de l’usine de la société nigériane Dangote Industries (USD 3 milliards), récemment approuvée par le gouvernement. Le secteur minier poursuit son essor, porté par la mise en service en novembre dernier de la mine d’or de Segele, exploitée par le norvégien Akobo Minerals, la première entrée en production depuis 1994. Les mines Kurmuk (Allied Gold) et Tulu Kap (Kefi), ciblant respectivement 240 000 et 135 000 onces annuelles, devraient démarrer en 2026 et 2027. De plus, le secteur profitera d’accords d’investissements avec d’autres acteurs étrangers conclus en mai 2025, totalisant USD 1,7 milliard dans les secteurs minier et solaire. En outre, le Grand barrage de la Renaissance (GERD), source de tensions avec l’Égypte et le Soudan, devrait être officiellement inauguré au second semestre. Plusieurs des 13 turbines sont déjà en service depuis 2022, malgré l’absence d’accord tripartite sur les règles de gestion de l’eau du Nil bleu. L’ouvrage devrait couvrir pleinement la demande intérieure et exporter ses excédents vers le Soudan, le Kenya et Djibouti. Enfin, le secteur aéroportuaire restera un moteur de croissance, soutenu par la progression des revenus d’Ethiopian Airlines Group (4,5 % du PIB), avec des retombées positives sur l’agro-export et le tourisme. Le secteur attirera des investissements conséquents en 2026, dans le cadre de la construction d’un nouvel aéroport à Bishoftu près de la capitale, d’un montant de USD 7.8 milliards ; achevé en 2029, il deviendra le plus grand d’Afrique.
En juillet 2024, le gouvernement a remplacé son régime de change fixe par un flottement, afin de réduire l’écart entre le taux officiel et celui du marché parallèle. Le birr s’est déprécié de près de 50%, renchérissant les importations officielles, mais l’impact a été limité par la consommation majoritairement à base de produits locaux, un recours déjà élevé aux circuits informels et des mesures de soutien public (importations étatiques de biens de première nécessité et tarifs réglementés). Parallèlement, la Banque nationale d’Éthiopie, désormais indépendante et active sur l’open market, aide à la modération de l’inflation via un taux directeur élevé (15% en juillet 2025) et un plafond de croissance du crédit à 18%, appuyés par la réduction de la monétisation du déficit public.
La restructuration de la dette externe bientôt achevée
Pour l’exercice 2024-2025, le gouvernement a réussi à accroître nettement ses recettes intérieures en élargissant la base fiscale, en révisant la TVA et les droits d’accise, en adoptant une nouvelle taxe foncière et en numérisant les services publics. Parallèlement, la réforme du marché des changes a permis la perception d’une taxe exceptionnelle sur les importations, dynamisant les recettes douanières. Le budget proposé pour 2025-2026 s’établit à 2 milliards de birrs (USD 15 milliards), soit une hausse de 31% par rapport à l’année précédente. Cette progression tient principalement à la dépréciation du birr, mais reflète aussi l’engagement pris auprès du FMI d’augmenter les recettes domestiques d’un point de PIB par an (elles représentaient 7,3% en 23-24). Afin d’atténuer les effets socio-économiques des réformes, un budget supplémentaire, voté en octobre 2024, finance temporairement des subventions (carburant, engrais, huile alimentaire et médicaments), prolonge le Productive Safety Net Programme (PSNP) luttant contre l’insécurité alimentaire et revalorise les salaires publics. Ces mesures seront progressivement supprimées à l’approche de 2026. Les orientations budgétaires pour l’exercice 25-26 visent à rationaliser les dépenses fiscales et à renforcer l’impôt sur le revenu. Sur le plan de l’aide extérieure, le pays bénéficie du retour des décaissements de la Banque mondiale (USD 1,5 milliards) en soutien du programme du FMI, dont la troisième revue a débloqué fin mai 2025 un montant de USD 262 millions. Au total, USD 1,5 milliards ont déjà été versés sur les 3,4 milliards prévus d’ici 2028. Toutefois, la suspension des programmes de l’USAID (USD 1,2 milliard en 2024) et l’arrêt de l’aide du Programme alimentaire mondial réduisent l’espace budgétaire disponible. Les dépenses en capital restent majoritairement orientées vers le financement des projets dans le cadre du PSNP et la construction d’infrastructures.
L’accumulation d’une dette extérieure élevée (44% de la dette publique totale), liée à d'importants investissements dans les infrastructures, aux conflits civils, aux sécheresses et la guerre en Ukraine, a conduit le pays à demander, dès 2021, une restructuration de sa dette dans le cadre commun du G20. Les négociations ont été retardées par le conflit au Tigré, jusqu’au moratoire provisoire conclu en novembre 2023 avec les créanciers bilatéraux (y compris chinois), gelant le service de la dette bilatérale pour 2023 et 2024. Malgré cette trêve, le pays a fait défaut en décembre 2023 en manquant le paiement d’un coupon d’Eurobond de USD 1 milliard échéant en décembre 2024. Début juillet 2025, un protocole d’accord a été signé avec le comité officiel des créanciers publics, actant une restructuration de USD 8,4 milliards et un allégement de USD 2,5 milliards pendant la durée du programme du FMI (jusqu’en 2028). Les négociations se poursuivent sur l’Eurobond, les créanciers privés ayant rejeté la décote de 18% proposée, arguant que le pays souffre d’un problème de liquidité plutôt que de solvabilité. Une fois l’accord finalisé, le gouvernement se dit prêt à contracter de nouvelles dettes pour financer ses projets de développement.
Les exportations (3,5% du PIB) continueront d’être tirées par la dépréciation du birr, par les cours élevés de l’or et du café (respectivement 21% et 19% des exportations), ainsi qu’une progression régulière des ventes d’électricité générée par le barrage de la Renaissance (GERD) vers les pays voisins. Les importations (14% du PIB) de biens d’équipement pour relancer les chantiers d’infrastructures resteront élevées, portées par une meilleure disponibilité en devises. Du côté des services, l’expansion d’Ethiopian Airlines continue de compenser partiellement le déficit commercial de biens, tandis que les envois de fonds par les expatriés via les canaux bancaires restent soutenus, encouragés par les réformes du secteur financier. Malgré la réduction drastique de l’aide américaine au développement et la disparition de l’aide alimentaire, le renflouement des réserves de change doit se poursuivre, soutenu par les flux financiers multilatéraux et les progrès réalisés dans la restructuration de la dette extérieure. Fin octobre 2024, elles équivalaient à 1,6 mois d’importations.
Fort risque sécuritaire domestique et tensions avec les pays voisins
Abiy Ahmed est premier ministre depuis 2018. Son parti, le Parti de la prospérité (PP), a remporté 410 des 547 sièges au Parlement en juin 2021, lors d’un scrutin pacifique mais entaché de nombreuses irrégularités. Il est soutenu par les Oromo, dont il est issu, ainsi que par les populations du sud. Les élections qui doivent se tenir en juin 2026 présentent un risque de contestations. L’accord de paix de novembre 2022 a mis fin à deux années d’affrontement entre les forces fédérales et le Front de Libération du peuple du Tigré (TPLF). Fin mars 2025, le Parlement fédéral a approuvé la prolongation du mandat de l'administration provisoire du Tigré, nommée en 2022, dans un contexte de tensions accrues entre des factions du TPLF. Le statut de territoires contestés, en particulier celui à l'ouest du Tigré pris par les forces amharas pendant la guerre, doit être prochainement réglé par référendum, pour organiser le retour des déplacés et définir le contrôle administratif d’une zone stratégique contiguë à l’Erythrée et au Soudan. Dans la région Amhara voisine, les tensions se sont amplifiées entre les forces fédérales et une milice régionale « d’autodéfense » (Fano), entraînant l'instauration d’un état d'urgence d’août 2023 à juin 2024. La situation sécuritaire ne s’est pas améliorée depuis. La milice accuse le gouvernement fédéral de vouloir démanteler les unités paramilitaires créées par les Etats fédérés afin de les affaiblir et d’avoir céder des terres amharas au Tigré avec l’accord de paix. Dans la région centrale d’Oromia, des affrontements avec l’Armée de Libération Oromo (OLA), autre groupe armé non-étatique, perturbent également cette autre région majeure.
Les troubles au Tigré enveniment les relations avec l'Érythrée. En effet, l'animosité de l'Érythrée à l'égard de l'administration régionale du Tigré se traduit par le maintien de sa présence militaire dans le nord du pays. Et à l’instar de la Somalie, l’Érythrée perçoit les ambitions éthiopiennes d’accéder à la mer, comme une menace pour sa souveraineté. En décembre 2024, sous la médiation du Président Erdogan, l’accord d’Ankara a apaisé les tensions entre la Somalie et l’Ethiopie. En échange de l’abandon du protocole d’accord de janvier 2024, entre cette dernière et la république autoproclamée du Somaliland, la Somalie s’engage à faciliter l’accès des marchandises éthiopiennes à ses ports, Le protocole, non ratifié, accordait à l’Ethiopie une bande côtière en échange de la reconnaissance du Somaliland. Toutefois, la présence de troupes égyptiennes de maintien de la paix en Somalie pourrait compromettre cet accord, à cause du différend au sujet du GERD. Parallèlement, l’insécurité au Soudan et au Soudan du Sud alimente les risques au niveau de la frontière occidentale, où le pays subit un afflux croissant de réfugiés.
Les relations avec les autres partenaires étrangers devraient continuer de se développer, dans le sillage de l’accord conclu avec le FMI en juillet 2024. La guerre du Tigré a provoqué un refroidissement des relations avec les États-Unis, poussant le Premier ministre Abiy Ahmed à se rapprocher de nouveaux partenaires comme la Russie, les Emirats arabes unis et la Chine. En janvier 2024, le pays a rejoint les BRICS et peut donc profiter des financements de la New Development Bank, dont la Chine est le principal financeur. Par ailleurs, le pays vise une adhésion à l’Organisation mondiale du commerce d’ici mars 2026.