Le secteur extractif tire l’investissement
En 2025, la croissance s’accélère, portée par la forte hausse de l’activité minière et la reprise du secteur agricole. En effet, l’or continue de tirer la croissance des exportations, grâce à l’ augmentation du prix de marché et la reprise de l'activité artisanale. L’activité minière bénéficie aussi d'investissements à grande échelle dans le minerai de fer. Dans le cadre de la deuxième phase du projet d’extension d’ArcelorMittal, l’achèvement d’une usine de concentration de minerai de fer devrait faire passer la production de 4 à 20 millions de tonnes par an avant la fin de 2025. Le projet inclut aussi l’extension des infrastructures ferroviaires et portuaires existantes, notamment la modernisation de la voie ferrée reliant la mine de Yekepa au port de Buchanan, ce qui contribuera à améliorer la capacité d'exportation. Le secteur de la construction bénéficiera de cette initiative, ainsi que des travaux du Liberty Corridor, un projet visant à relier les régions minières de Guinée au port libérien de Didia grâce à une liaison ferroviaire et à des améliorations des réseaux routiers et électriques. En outre, des études géologiques financées par la Chine ont confirmé, en janvier 2025, la présence de réserves d'uranium, de lithium, de cobalt, de manganèse et de néodyme. Selon le président du pays, ces découvertes devraient attirer près de USD 3 milliards d'investissements ; le gouvernement étant déjà en négociation avec des multinationales et des investisseurs locaux.
La reprise des activités agricoles (28,5 % du PIB en 2024) devrait se poursuivre, sous réserve de conditions climatiques favorables. Le Plan national 2024-2029 de développement du secteur, d’un coût total de USD 718 millions, devrait stimuler la production des principaux produits de base, le riz et le manioc, diminuant ainsi la dépendance aux importations, et encourager le développement de cultures commerciales telles que le cacao, le café, la noix de coco et l’hévéa. Par ailleurs, le gouvernement devrait poursuivre ses investissements dans le développement rural, soutenu par la Banque africaine de développement et la Banque mondiale.
Toutefois, depuis le début de 2025, le pays subit une alimentation électrique instable. Son principal fournisseur, la Compagnie Ivoirienne d’Électricité, a réduit ses livraisons en raison de problèmes de maintenance et de production. Les pénuries épisodiques d’électricité et la hausse du prix des importations alimentaires ont entraîné des tensions inflationnistes au premier semestre 2025. Mais elles devraient diminuer en seconde partie d’année, grâce à la politique monétaire restrictive (taux directeur relevé à 17,25 % pour le deuxième trimestre 2025), un taux de change relativement stable et une modération du prix des importations d’énergie, ce qui profitera à la consommation privée.
Une consolidation budgétaire soutenue par le FMI
En 2025, la politique budgétaire poursuit la trajectoire de consolidation entamée l’année précédente, en suivant les recommandations du FMI, tout en adoptant un budget ambitieux de USD 880 millions (+19% par rapport au budget révisé de 2024). Les dépenses sont réduites par la suppression des incitations fiscales jugées inefficaces dans les secteurs agricoles et miniers et l’intensification des audits dans le secteur public. Mais elles sont obérées par d’importantes dépenses récurrentes en rémunérations des fonctionnaires et en biens et services, ainsi que par le service de la dette (153 millions, en augmentation de 43%). Parallèlement, le gouvernement tentera d’optimiser la collecte des recettes intérieures, notamment par la transition progressive de la taxe sur les biens et services, qui est passée de 10 à de 12% en avril 2025, à une TVA de 15% pour 2026. Ces recettes seront renforcées par l'augmentation des redevances issues de l’activité minière, la réintroduction d'une taxe d'accise sur l'essence et l'augmentation de la collecte des fonds routiers. Les efforts fiscaux permettront l’avancée de l’agenda ARREST (Agriculture, Routes, État de droit, Éducation, Assainissement, Tourisme) du gouvernement, puisque les revenus supplémentaires obtenus seront principalement affectés aux investissements en capital, majoritairement pour des travaux routiers.
Nonobstant les efforts, le déficit public augmentera, principalement en raison d’un retour à la tendance après le retard dans l'approbation du budget supplémentaire de 2024 et du retrait de l’aide américaine, qui comptait pour près de 107 millions d’euros sur un budget total d’environ 825 millions d’euros. Il sera financé par emprunts auprès de la Banque centrale (20%) et par les partenaires du développement (80%), notamment dans le cadre d’un programme incluant un accord financé par une Facilité élargie de crédit, conclu avec le FMI en septembre 2024, pour un montant de 209 millions de dollars USD, déboursé progressivement jusqu’en 2027. Après l’échec de l’accord de 2023, cela contribuera à rétablir la confiance des institutions financières internationales et des donateurs bilatéraux.
Le déficit courant continue de décroître en 2025, grâce aux exportations stimulées par l’activité minière (or, minerai de fer et diamant) et la modeste reprise de la production de caoutchouc et d’huile de palme. Néanmoins, une demande mondiale affaiblie par la guerre commerciale et le ralentissement de l‘économie chinoise pourraient peser sur les prix et les volumes. Par ailleurs, cet impact positif sera partiellement compensé par les dépenses en équipements et services liées à la phase de construction des projets miniers. L’excédent des revenus secondaires bénéficiera d’importantes remises des expatriés, bien que l’effet soit amoindri par le retrait de l’aide américaine. Le déficit sera financé par des IDE, essentiellement vers le secteur extractif, et par des prêts concessionnels multilatéraux. Cela soulagera légèrement les réserves de change, qui ont décliné jusqu’à 1,9 mois d’importations en septembre 2024.
Fin de la paralysie législative
L’actuel président, Joseph Boakai (81 ans), a prêté serment le 22 janvier 2024, après sa victoire serrée au second tour (50,9 % des voix) de la présidentielle de novembre 2023. Les élections parlementaires qui ont suivi n’ont pas donné la majorité au parti présidentiel, le Parti de l’unité (UP). Jusqu’à fin 2024, le gouvernement avait toutefois le soutien du Mouvement pour la démocratie et la reconstruction (MDR) et d'autres petits partis pour légiférer en matière politique (création d’un tribunal spécial pour les crimes de guerre et économiques) et minière. Mais la Chambre des représentants a été paralysée entre novembre 2024 et mai 2025. Un bloc majoritaire autoproclamé, incluant l’UP, a contesté l’autorité du président de l’Assemblée, Jonathan F. Koffa, issu du parti Congrès pour le changement démocratique (CDC), proche du précédent président Weah, l’accusant de mauvaise gouvernance, de corruption et de conflit d’intérêts. Sans réunir les 49 voix sur 73 requises (47 voix) pour une destitution, le bloc a néanmoins élu Richard Koon (UP) à sa place. Saisie par Koffa, la Cour constitutionnelle a confirmé la légalité de son mandat et jugé illégale toute tentative de remplacement. Malgré cette décision, le président Boakai s’est dit prêt à collaborer avec le bloc majoritaire, isolant de fait Koffa, qui a fini par démissionner le 12 mai, dénonçant le refus de l’exécutif d’appliquer le verdict de la Cour. Le lendemain, la Chambre des représentants a confirmé l’élection de Richard Koon par 43 voix sur 73. Si cette nomination marque un retour à l’ordre constitutionnel, le nouveau président de l’Assemblée fait face à des critiques sur son indépendance vis-à-vis de l’exécutif, en raison de sa proximité avec le président.
Les relations du Liberia avec ses partenaires étrangers devraient se renforcer. En mars 2025, la Côte d’Ivoire et Libéria ont émis le souhait de développer une politique commune de protection des frontières et de réactiver l’Union du Fleuve Mano, qui regroupe le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte d’Ivoire. En outre, les relations avec les États-Unis, partenaire historique, seront incertaines et le pays pourrait être incité à approfondir ses relations avec d’autres acteurs, tels que la Chine, pour combler le vide laissé par le retrait de l’aide américaine. Fin mars 2025, la Chine et le Liberia ont ainsi signé un accord de coopération économique et technique.